Courant
septembre 2013, j'ai lancé l'idée de faire Bordeaux
Paris. Huit personnes étaient prêtes à
étudier la question. Fin décembre lors de
l'assemblée générale, nous n'étions plus
que cinq à tenter l'aventure et à s'inscrire à
Bordeaux Paris en formule Ultra Rando (plus de 28 heures et moins de 60
heures sans classement).
S'inscrire à Bordeaux Paris implique beaucoup de choses. En
premier lieu augmenter la charge de travail. Personnellement ce sera :
• rouler une heure de plus à la lumière d'un phare pendant tout l'hiver.
• Un 200 km le 08 mars qui se passera
très bien. 48 heures plus tard une déchirure musculaire
m'obligera à prendre un repos forcé.
• Un premier 300 km (distance jamais
réalisée par aucun membre du club) le 26 avril qui nous
donnera une idée de notre capacité à
réussir BP 2014, distance parcourue dans le vent, le froid, la
pluie et en autonomie. Charly va souffrir des articulations pendant des
heures. Kevin abandonnera à 30 km de l'arrivée
victime d'une fringale. Mais, on aura appris que l'équipe est
joyeuse et solidaire. Ce jour- là mon
cardio-fréquencemètre indiquera 8300 calories
dépensées. On a eu froid pendant les deux jours suivants!
Jeudi 29 mai c'est avec 2300 km depuis le mois de janvier soit 750 km
de plus que les années précédentes que je prends
la route accompagné de Kevin et Jean-Jacques. Patrick nous
conduit à Bordeaux et nous accompagnera pendant 2 jours. Charly
descend en car loué par l'organisation. Eric sera le grand
absent, victime d'un choc avec une voiture peu de temps avant;
clavicule cassée.
Je passerai une nuit calme à Bordeaux après un repas
constitué de pâtes poulet, salade de fruits et une bonne
douche.
Vendredi 30 mai, 6 h 00, quai des Queyries : nous sommes prêts
ainsi que 428 autres participants. La météo
prévoit du vent de face pour les prochaines 48 heures et de la
pluie pour l'après-midi. Nous prenons le départ. Des
pensées obsédantes nous accompagnent :
s'économiser en s'abritant dans des petits pelotons, ne pas
oublier de s'alimenter et de boire, éviter les chutes.
La première journée va bien se passer. D'autres n'auront
pas cette chance : on verra une chute dans les premiers
kilomètres et de nombreux abandons tout au long du parcours.
Avec Jean-Jacques et Kevin , on prendra un bon tempo malgré
toutes les côtes qui se succèdent. On perdra et retrouvera
plusieurs fois Charly. Inquiet pour ses articulations, il prendra une
option plus lente que nous. On ne peut pas dire que les trois
ravitaillements soient très riches en qualité et en
variété mais nous en profitons bien. Par contre le
fléchage est impeccable.
Au kilomètre 310, à Martizay, vers 20 h 30, Patrick nous
attend pour un transfert vers un hôtel-restaurant. Ce
soir-là Kévin et Jean-Jacques ferons une petite chute de
tension sans gravité : la journée a été
bien remplie.
Après
un nouveau repas pâtes, poulet, salade de fruit et une petite
nuit de 23 h 00 à 5 h 00, nous voilà
prêts pour un nouveau défi. On connaissait notre
capacité sur 300 km, mais pas sur deux fois 300 km.
Le départ s'effectue à 6 h 30. Les jambes
répondent bien. Vers 7 h 00, nous retrouvons Charly qui a
passé sa nuit chez ses frères. Il fera plusieurs
apparitions/disparitions dans la journée. On nous avait dit que
les côtes ne dureraient pas longtemps. C'était des
mensonges… Il y en avait encore beaucoup (4000 m de
dénivelée au total). On nous avait prédit du vent
qui allait forcir dans la journée, c'était vrai. ..
Au niveau des participants, on voit moins de cyclos. La veille, nous
étions dans le premier quart, on voyait des groupes qui nous
doublaient puis que nous redoublions. Le samedi nous étions dans
le troisième quart. Beaucoup nous ont doublés pendant la
nuit.
On essaiera difficilement de fédérer pour former
des groupes. Soit les cyclos ne veulent pas rouler en groupe, soit ils
ont du mal à le faire. Ce n'est pas facile de garder un rythme,
de rester en ligne sans faire tomber son voisin, prendre des relais
sans accélérer. C'est là qu'on voit que les heures
passées ensemble nous ont donné une confiance et une
efficacité certaine.
Les kilomètres défilent mais moins vite que la veille.
Pendant un bon moment entre le 5ème et le 6ème
contrôle, un petit doute s'installe en moi. J'envisage de laisser
partir mes compagnons si mes forces déclinaient, dormir au bord
de la route, et finir le lendemain. Finalement mes forces ne
déclineront pas et je ferai les 100 derniers km confiant. Nous
finirons les 40 derniers kilomètres de nuit à la lueur de
nos phares. Nous serons accueillis sur la ligne d'arrivée
à 23 h 00 par toute la famille de Kevin : filles,
épouse et parents. On se congratule, finir à plusieurs
c'est plus fort que tout seul, le tout sur des commentaires au micro.
Après une visite mal organisée du vélodrome pour
récupérer notre maillot souvenir, je n'ai plus qu'une
envie : aller me coucher. Une fois dans la voiture, je passe un coup de
fil à Charly. Il finira aussi cette nuit, 2 heures après
nous.
Le pari est réussi : tous les Cyclos Rozay au départ ont fini (nul doute qu'Eric aurait fini avec nous).
Le lendemain, je me réveille sans trop de douleurs musculaires,
mais avec des coups de soleil derrière les chevilles.
En chiffres :
624 km en 41 heures dont 27 heures de selle.
24 km/h sur les 311 premiers kilomètres et 22 km/h sur 313 kilomètres suivants.
3972 m de dénivelé au total.
Vent de face en permanence, de faible au départ (12 km/h), il
s'est renforcé le lendemain (25 km/h dans la plaine).
Le temps du premier : 28h01. Le temps du dernier : 57h57.
17% d'abandon ou hors délai sur notre formule.
Ce qui me semble avoir contribué à ce succès :
• La solidarité entre nous.
• L'assistance de Patrick qui nous attendait
tous les 80 km pour récupérer ou donner un vêtement
supplémentaire, pour recharger la sacoche de guidon en
ravitaillement.
• La gestion de l'alimentation : pour moi un
petit en-cas toutes les 45 minutes (barre de céréales,
pâte d'amande, pain d'épice, fruits secs, cake, gâteaux apéro,
dosettes de gels énergétiques), en variant pour
éviter la lassitude et pour diversifier les apports en
nutriments, boisson énergétique (2 gorgées toutes
les 10 minutes). Plus les ravitaillements de l'organisation sans trop
charger l'estomac.
• Une anticipation de tous les petits
détails sans conséquence sur une sortie de 3 ou 4 heures
mais qui peuvent avoir une importance sur une longue distance :
- Le choix des vêtements cuissard adapté,
vêtements suffisamment chauds mais pas trop, vêtements de
rechange.
- Vélo en état mécanique impeccable.
- Accessoires pour un hôtel serein : réveil,
chargeur de téléphone, rasage le soir pour éviter
les irritations.
• Evidemment, la préparation physique
avec tous les kilomètres accumulés et une période
de récupération avant l'épreuve.
• La seule chose que j'ai oubliée, c'était la crème solaire…
Un merci à tous ceux qui ont répondu aux SMS laconiques que j'envoyais aux ravitaillements.
Un merci à Patrick pour son aide logistique.
Un merci à mon fils qui est venu me chercher au vélodrome de Saint-Quentin en Yvelines.
Un grand merci à mes compagnons de route, tout seul, je ne sais pas ce que j'aurais fait.
Gillou